TOGO
ETAT DE TERREUR : FAURE GNASSINGBE A PERDU TOUTE LÉGITIMITÉ POUR RESTER AU POUVOIR
La répression des manifestations spontanées ou annoncées de la seule semaine du 16 octobre
2017 a fait au moins quatre (4) morts dont trois (3) par balles, plus de 87 blessés dont certains
grièvement par balles et près de 200 arrestations, selon la commission humanitaire de la
coalition de l’opposition togolaise. Plusieurs villes dont Sokodé, Bafilo et Mango sont
aujourd’hui désertées par la population qui a trouvé refuge en brousse ou pris de chemin de
l’exil vers le Ghana et le Bénin voisins.
Malgré l’Etat de terreur entretenu par le clan Gnassingbé comme un ultime moyen de conserver le pouvoir, le peuple togolais est debout et réclame le retour à la Constitution de 1992 avec toutes les conséquences qui en découlent. Nul ne peut donc s’ériger contre cette aspiration légitime, en particulier la communauté internationale, qui enfin se réveille face aux atrocités.
La communauté internationale, africaine et sous-régionale, a tort d’appeler à des négociations
qui visent à maintenir Faure Gnassingbé au pouvoir jusqu’à la fin de son mandat en 2020. Au vu de l’issue des négociations passées et du non-respect des accords signés, le régime Gnassingbé a perdu toute crédibilité.
Le silence du chef de l’Etat depuis le début de la crise, soit depuis deux mois, ainsi que la
férocité de la répression organisée par les forces de sécurité et des milices, lui ôtent
désormais toute légitimité pour rester au pouvoir.
RAPPEL HISTORIQUE
Au pouvoir au Togo depuis 1967, la dictature dynastique fortement contestée a du mal à passer
le cap des 50 ans. Faure Gnassingbé est arrivé au pouvoir au Togo en 2005 suite au décès de son père, le Général Gnassingbé Eyadéma qui a dirigé le Togo d’une main de fer de 1967 à 2005. Les 500 à 800 morts de Février à Avril 2005, victimes pour la plupart de la répression des manifestations contestant le coup de force militaire, constitutionnel, puis le déroulement d’une élection calamiteuse sont depuis lors passés aux oubliettes, malgré le rapport d’une mission d’établissement des faits de l’Organisation des Nations Unies (ONU) qui a conclu que ces violences politiques ont fait au moins 400 morts.
L’accord politique global (APG) signé le 20 août 2006 après une longue période de négociation
inclusive, sous l’égide internationale, devait :
- solder les conséquences des violences politiques de 2005 et lancer un processus de justice transitionnelle ;
- donner une chance à Faure Gnassingbé de rétablir les torts causés par la gouvernance de son père ;
- opérer des réformes constitutionnelles et institutionnelles approfondies afin de relancer le processus démocratique et mettre un terme aux violences politiques récurrentes au Togo après chaque élection ;
- amorcer un processus de décentralisation par l’organisation d’élections locales en 2008.
De tergiversations en entourloupes, le régime de Faure Gnassingbé est parvenu à éviter les
réformes afin de maintenir la famille Gnassingbé à la tête de l’Etat togolais.
SITUATION ACTUELLE : MÉPRIS DES ASPIRATIONS DU PEUPLE, RECOURS À LA VIOLENCE
Depuis le mois d’Août 2017, des manifestations organisées par l’opposition sur l’ensemble du
territoire togolais pour le retour à la constitution originelle de 1992 ainsi que le droit de vote de
la diaspora, sont violemment réprimées, occasionnant des morts et de nombreux blessés dans les rangs des manifestants et des forces de sécurité. A l’origine de la mobilisation sans précédent pour ces manifestations se trouve la profonde exaspération de la population :
- le non-respect des engagements et accords signés,
- la mise en coupe réglée des institutions de la république œuvrant de concert pour la
pérennisation du système RPT-UNIR, - la prédation des ressources économiques du pays au profit d’une poignée de fidèles, alors qu’une écrasante majorité de la population croupit dans la misère.
Comme par le passé, le petit cercle des dirigeants du système et la hiérarchie militaire qui en est la faîtière, refusent toute limite à leurs pouvoirs et privilèges, que cette limite émane de la constitution, des lois de la République ou de l’aspiration du peuple togolais. C’est cette volonté de conserver le pouvoir à tout prix qui explique les actes invraisemblables qui ont marqué l’actualité du Togo ces dernières semaines, entre autres :
- le silence méprisant du chef de l’état, Faure Gnassingbé, face aux réclamations du peuple et aux exhortations des hommes de Dieu,
- l’annonce d’un référendum dont la question biaisée entraînera de manière cynique, soit le statu quo c’est-à- dire la non-limitation du mandant présidentiel, soit la possibilité pour Faure Gnassingbé de se maintenir au pouvoir encore pour 13 ans,
- les tentatives de limitation des libertés publiques par l’interdiction des manifestations
pacifiques de l’opposition, en violation de la Constitution en vigueur, - la coupure intempestive d’Internet afin de limiter la liberté de communication et de
mobilisation de l’opposition, - la coupure de l’électricité pour faciliter des rafles nocturnes des militants et
sympathisants de l’opposition, en l’occurrence l’arrestation nocturne de l’imam de Sokodé, Alpha Djobo Mohamed Alassani, - les opérations punitives contre les leaders de l’opposition, en l’occurrence, le saccage et l’incendie du siège du Parti National Panafricain (PNP) de Tikpi Atchadam, les tirs de gaz lacrymogène à l’intérieur du domicile du chef de file de l’opposition, Jean-Pierre Fabre,
- la réapparition des milices présentées par le Colonel Yark Damehane (ministre de la
sécurité) comme « des groupes d’autodéfense », qui sévissent depuis plusieurs jours à
Lomé, agissant sous l’œil bienveillant des forces de sécurité, - l’état de siège et la chasse à l’homme dans les villes meurtries telles que Sokodé, Bafilo, et Mango, provoquant la fuite des populations vers la brousse ou les pays voisins, laissant derrière elles des villes fantômes,
- les menaces explicites de destruction des biens des leaders de l’opposition, par des
messages adressés par des individus identifiables par les autorités, mais assurés de leur impunité, - l’asservissement de la justice avec l’organisation de procès expéditifs contre des
manifestants ou sympathisants de l’opposition, privés de leurs droits à un avocat pour leur défense, - la mise en place précipitée d’une nouvelle commission électorale composée exclusivement de membres affiliés au parti au pouvoir, ses ailes marchandes de la société civile et de partis politiques dites d’opposition mais acquis au pouvoir,
- la complicité de la hiérarchie de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH), avec la mise au placard des rapports sur les derniers événements et les réaffectations punitives des agents jugés trop pointilleux,
- etc.
SEMAINE DU 16 OCTOBRE : RETOUR AUX METHODES DE 2005
Le lundi 16 octobre en début de soirée, la maison d’un responsable du culte musulman de la ville de Sokodé, l’imam Djobo Mohamed Alassani, connu pour être proche du leader du PNP, est fracturée, après la coupure de l’électricité dans la ville. L’imam est kidnappé et conduit, vers une destination inconnue. Cet enlèvement a provoqué des manifestations spontanées à Sokodé, Bafilo et Tchamba au nord du pays, ainsi qu’à Kpalimé et Lomé au sud. En réponse à ces manifestations, les forces de l’ordre ont opté pour une répression violente et à des méthodes de voyous.
En effet, selon un communiqué publié par le gouvernement le 17 octobre soit le lendemain de
l’arrestation, dans la foulée de cette arrestation “des bandes organisées et structurées se sont livrées à des actes de violence inouïe, de pillage, de vandalisme et de destruction de biens
publics et privés à Sokodé, Bafilo et dans certains quartiers de Lomé. A Sokodé, deux militaires
en faction au domicile d’une personnalité ont été lynchés et exécutés et leurs armes et
munitions ont été emportées”. Il est invraisemblable que les militants et sympathisants du PNP manifestant spontanément quelques minutes à peine après l’arrestation du guide spirituel aient pu constituer les “bandes organisées et structurées” mises en cause par le communiqué du gouvernement et synchroniser en quelques minutes des opérations de destruction de biens
publics et privés dans plusieurs autres villes du Togo.
Autre incohérence relevée dans la thèse avancée par le communiqué du gouvernement : les
villes de Sokodé, Bafilo et Mango sont comme en état de siège depuis les marches des 20 et 21
septembre. Les domiciles ont fait l’objet de multiples fouilles et razzias et la plupart des
hommes de ces villes, en particulier les jeunes, ont soit pris le chemin de l’exil dans les pays
voisins, soit se réfugient dans la brousse à la nuit tombée pour échapper aux rafles des forces de l’ordre.
Ces constatations jettent de sérieux doutes sur les versions des autorités togolaises et laissent
penser que les exactions graves et les atteintes aux vies humaines et aux biens publics et privés
ont été planifiées et exécutées par les forces de l’ordre elles-mêmes, avec l’appui de miliciens
que le Ministre de la sécurité, interviewé par une chaine de télévision étrangère, a qualifié de
groupes d’autodéfense. Ici, comme en 2005, une enquête sérieuse et indépendante est
nécessaire pour établir les responsabilités.
Le régime en place au Togo aura ainsi encore une fois prouvé qu’il ne recule devant aucune
manipulation, dans sa stratégie visant à coller aux leaders et partisans du Parti National
Panafricain l’étiquette de djihadistes, tribalistes et antisémites. Ruiner l’économie nationale,
enfoncer un peu plus les citoyens togolais dans la pauvreté ? Rien n’arrête le régime dynastique
qui régente le Togo depuis plus de cinquante (50) ans lorsqu’il s’agit de justifier la répression,
de discréditer l’opposition et d’instrumentaliser la justice aux fins de se débarrasser
d’adversaires politiques gênants.
LES SOLUTIONS
Malgré l’Etat de terreur entretenu par le clan Gnassingbé comme un ultime moyen de conserver le pouvoir, le peuple togolais est debout et réclame le retour à la Constitution de 1992 avec toutes les conséquences qui en découlent. Nul ne peut donc s’ériger contre cette aspiration légitime, en particulier la communauté internationale, qui enfin se réveille face aux atrocités.
La communauté internationale, africaine et sous-régionale, a tort d’appeler à des négociations
qui visent à maintenir Faure Gnassingbé au pouvoir jusqu’à la fin de son mandat en 2020. Au vu de l’issue des négociations passées et du non-respect des accords signés, le régime Gnassingbé a perdu toute crédibilité.
Dans les conditions actuelles, aucun leader politique sérieux de l’opposition togolaise ne peut
s’asseoir autour d’une table de négociation, au risque de se faire désavouer par la population
togolaise.
Il est clair que la crise actuelle au Togo n’évoluera pas tant que Faure Gnassingbé ne répondra
pas personnellement aux demandes du peuple. Aucune négociation ne peut être envisagée, si
ce n’est pour déterminer les conditions de son départ du pouvoir. La sortie de crise passera donc par :
- la présentation par le gouvernement, sur demande du chef de l’état, à l’Assemblée
Nationale d’un projet de loi visant à restaurer notamment les articles 52 et 59 de la
Constitution de 1992 dans leurs formes originelles, avec une consigne de vote publique et sans ambiguïté à la majorité UNIR, - l’abandon immédiat du projet de référendum,
- la publication des rapports crédibles et sincères de la CNDH sur les atrocités commises par les forces de sécurité et les milices du pouvoir,
- l’arrêt des violences à l’endroit des populations, l’identification et la mise aux arrêts des miliciens et leurs commanditaires,
- l’annulation des peines prononcées à l’égard des manifestants et leur libération sans
condition.
Synergie-Togo appelle les amis du Togo à œuvrer pour la réalisation de ces objectifs pour un
Togo libre et démocratique.
Fait à Paris le 24 Octobre 2017
Eric Amouzougah
Président
Note de situation-Etat de Terreur-Légitimité_Faure Gnassingbé-20171024-VF