DECLRATION
Selon un communiqué du Gouvernement daté du 13 décembre 2019, « Le Président de la République a eu une audience et des échanges avec les présidents des institutions de la République afin de faire le point sur l’état d’avancement du processus électoral ».
Ce communiqué met en évidence au moins trois anomalies qui entachent lourdement la crédibilité du processus électoral en cours :
- Par cette audience, le Chef de l’Etat sortant reconnait qu’il est juge et parti dans cette compétition. Cette rencontre et son contenu altèrent le caractère « libre » et « égal » de ce scrutin tel que réaffirmé par l’article 59 de la Constitution entrée en vigueur le 15 Mai 2019. Car à l’évidence, selon les déclarations du Secrétaire exécutif de son parti, le chef de l’Etat sortant « sera candidat pour son premier mandat le 22 février 2020 ».
- La deuxième anomalie réside dans le fait que la CENI, institution chargée conformément à l’article 3 du code électoral « d’organiser et de superviser les consultations électorales et référendaires» semble aphone dans ce compte-rendu, laissant la main au gouvernement qui reste en réalité l’organisateur, voire le superviseur de cette élection présidentielle.
- Enfin, au terme de cette audience, en instruisant le gouvernement « de prendre les dispositions nécessaires pour le renouvellement de la Cour constitutionnelle conformément aux réformes constitutionnelles et institutionnelles du 15 mai 2019 », le chef de l’Etat sortant reconnait que le processus électoral en cours risque de s’avérer lourdement compromis par le caractère illégal de la plus haute juridiction de la République : la Cour constitutionnelle.
Car même si, comme l’indique le communiqué, le gouvernement doit suivre les instructions du Chef de l’Etat, il ne peut le faire que dans la légalité, c’est-à-dire conformément aux dispositions normatives en vigueur. Or, à ce jour, la Cour constitutionnelle ne s’est pas conformée aux dispositions de l’article 100 nouveau qui modifie sa composition et limite la durée du mandant de ses juges à un maximum de deux mandats de 6 ans[1]. La loi portant révision constitutionnelle a été pourtant adoptée par l’Assemblée nationale le 9 mai 2019, promulguée et publiée au Journal officiel de la République le 15 mai 2019.
Il y a donc lieu de se demander quelle Cour constitutionnelle statuera sur la validité des candidatures au terme du délai fixé par la CENI pour le dépôt des dossiers, soit le 8 janvier 2020.
S’il s’agit de la Cour constitutionnelle actuelle, sa composition viole la constitution en vigueur dont l’article 104 précise que « La Cour constitutionnelle est la juridiction chargée de veiller au respect des dispositions de la Constitution »[2].
En ce qui concerne les membres de la Cour constitutionnelle nommés par le Sénat, une autre institution de la République sera-t-elle appelée à se substituer au Sénat qui n’existe pas encore ? Dans l’affirmative, ce sera de nouveau une violation de la Constitution en vigueur.
Conformément à l’article 100 nouveau, le gouvernement s’orientera-t-il plutôt vers la mise en place préalable du Sénat afin que celui-ci puisse élire deux des neuf membres qui doivent être élus par cette institution ? Cela semble inéluctable. Car dans un empressement difficile à comprendre, les députés ont, au cours de la révision constitutionnelle de mai 2019, abrogé l’article 155 qui permettait à l’Assemblée nationale d’exercer provisoirement les compétences dévolues au Sénat pour la désignation des membres de la Cour Constitutionnelle.
Cet acte des députés les prive des prérogatives transitoires qu’ils assumaient depuis la révision constitutionnelle de 2002. Ceci confirme le caractère précipité, anticonstitutionnel et non conforme au règlement intérieur de l’Assemblée nationale des 26 modifications discrètement et illégalement ajoutées au projet de révision constitutionnelle de trois articles introduit par le gouvernement, prétendument selon les prescriptions de la feuille de route de la CEDEAO.
La composition actuelle de la Cour constitutionnelle ou son éventuelle recomposition sans le Sénat, disqualifie les membres de cette institution comme juges de la validation des candidatures de la prochaine élection présidentielle ainsi que de la proclamation des résultats définitifs du vote, après transmission des résultats provisoires par la CENI.
Le non-respect des dispositions constitutionnelles confirme définitivement le caractère illégal du processus électoral en cours et constitue un nouveau coup d’Etat constitutionnel et institutionnel, ouvrant la voie à la réédition du scénario de 2005.
Le Front Citoyen Togo Debout et Synergie-Togo lancent un appel solennel à toute la population togolaise, aux forces démocratiques et aux amis du Togo afin qu’ils se remobilisent et qu’ils unissent leurs forces pour mettre un terme à un processus électoral vicié.
Fait le 21 décembre 2019
Pour Le Front Citoyen Togo-Debout Pour Synergie-Togo
Professeur David Ekoué DOSSEH Le Président, Kanyi AMOUZOUGAH
« Togo Debout, Luttons sans défaillance » !
[1] Article 100 : La Cour constitutionnelle est composée de neuf (09) membres de probité reconnue, désignés pour un mandat de six (06) ans renouvelable une seule fois.
- Deux (2) sont désignés par le Président de la République dont un (01) en raison de ses compétences et de son expérience professionnelle en matière juridique et administrative.
- Deux (02) sont élus par l’Assemblée nationale, en dehors des députés, à la majorité absolue de ses membres dont un (01) en raison de ses compétences et de son expérience professionnelle en matière juridique et administrative.
- Deux (02) sont élus par le Sénat, en dehors des sénateurs, à majorité absolues de ses membres dont un (01) en raison de ses compétences et de son expérience professionnelle en matière juridique et administrative.
- Un (01) magistrat ayant au moins quinze (15) ans d’ancienneté, élu par le Conseil supérieur de la magistrature.
- Un (01) avocat élu par ses pairs et ayant au moins quinze (15) ans d’ancienneté.
- Un (01) enseignant-chercheur en droit de rang A des universités publiques du Togo, élu par ses pairs et ayant au moins quinze (15) an d’ancienneté.
Article 101 : Le Président de la Cour constitutionnelle est nommé par le Président de la République parmi les membres de la Cour pour une durée de six (06) ans. Il a voix prépondérante en cas de partage.
[2] Article 104 : La Cour constitutionnelle est la juridiction chargée de veiller au respect des dispositions de la Constitution.
La Cour constitutionnelle juge de la régularité des consultations référendaires, des élections présidentielles, législatives et sénatoriales. Elle statue sur le contentieux de ces consultations et élections.
Elle est juge de la constitutionnalité des lois.